mercredi 25 septembre 2019
La curée des lions de Kef Messaoura (Région de Sedrata, Wilaya de Souk Ahras)
LA CUREE DES LIONS DE KEF MESSAOURA
Un lieu : Kef Messaoura, faisant partie de la commune de Zouabi, entre Sédrata et Aïn Soltane, dans la wilaya de Souk Ahras. Un patrimoine de classe mondiale : des gravures rupestres.
Kef Messaoura, commune de Zouabi, région de Sedrata, Algérie.
En ce lieu, sur la roche de cette falaise, nous observe une civilisation plus ancienne que celle de l’Egypte des Pharaons, une civilisation plus ancienne que celle de Mésopotamie en Irak, une civilisation ayant existé avant celles des peuples incas, aztèques et mayas, une civilisation plus ancienne que celles de la Grèce et de la Rome antiques, une civilisation d’avant l’écriture et que les différentes études ont classée à l’ère du néolithique, six à sept millénaires avant Jésus Christ.
En ce lieu, cette civilisation de la nuit des temps est matérialisée par des gravures rupestres. Ces dernières, constituent un chaînon important d’un ensemble relevant du patrimoine de l’Algérie, du bassin méditerranéen, de l’Afrique et de l’humanité.
Les gravures rupestres de Kef Messaoura montrent une faune représentant des animaux sauvages : six lions, un sanglier, deux chacals et peut être une hyène au niveau de la première paroi, deux autruches et un bovidé au niveau de la deuxième paroi, des motifs indistincts au niveau de la troisième paroi.
Kef Messaoura, commune de Zouabi, région de Sedrata, Algérie.
Sur la première paroi en grès, le tableau met en scène une famille de lions en train de dévorer un sanglier, pendant que deux chacals semblent attendre le moment propice pour se jeter sur les restes.
Kef Messaoura, commune de Zouabi, région de Sedrata, Algérie.
Les animaux ne sont pas représentés isolément et les figures, au nombre de dix, correspondent entre elles. Leur interdépendance constitue une séquence de chasse prise sur le vif. La « photographie » instantanée immortalise un laps de temps pendant lequel le lion, interrompant sa curée, lève la tête. A-t-il senti une présence ? Si oui, qui est cet intrus ? S’agit-il de l’artiste ?
Kef Messaoura, commune de Zouabi, région de Sedrata, Algérie.
La « toile » est de très bonne expression. C’est ce qui a fait dire à Stéphane Gsell : « Bien souvent, il est impossible de distinguer l’animal que l’ « artiste » a voulu représenter. Il est pourtant des exceptions. Les lions, les chacals et le sanglier de Kef Messiouer […] révèlent des dons d’observation assez remarquables : un profil ferme et net rend avec bonheur l’aspect des animaux, parfois même leur attitude dans tel ou tel mouvement. » (Histoire ancienne de l’Afrique du Nord ; page 24).
De l’autre côté, au niveau de la deuxième paroi, à droite, sont représentés un bovidé et deux autruches
. Kef Messaoura, commune de Zouabi, région de Sedrata, Algérie.
Un travail de la roche a précédé l’exécution de ces gravures. En effet, elle a été taillée, façonnée, modelée, préparée, transformée de manière à empêcher l’eau provenant du haut de la falaise de toucher les dessins. Entre les deux, nous pouvons distinguer une autre paroi, malheureusement dans un état très avancé de détérioration. Il n’y reste que des traits indistincts.
Kef Messaoura, commune de Zouabi, région de Sedrata, Algérie
L’exécution de ces dessins a évidemment nécessité une technique adaptée, un savoir et savoir-faire avérés. A quels mobiles la réalisation d’un travail aussi long, aussi pénible, aussi laborieux a-t-elle obéi ? Simple instinct d’imitation ? Ne faut-il pas plutôt intégrer les recherches dans le cadre des comportements métaphysiques humains, c’est à dire du côté de la religion et de la magie ?
Contrairement aux chacals et aux sangliers, les lions et les autruches ont disparu de la région. Les causes ? Elles sont sûrement à trouver, entre autres, dans les changements climatiques survenus au cours des siècles. Les premiers, ayant pu s’adapter, existent toujours. Les deuxièmes, ayant besoin d’un climat plus humide, ne figurent plus sur la liste des animaux de la région.
Kef Messaoura, commune de Zouabi, région de Sedrata, Algérie.
Il serait intéressant de se demander pourquoi l’homme préhistorique a choisi de représenter le lion. L’allure de l’animal, son aspect impressionnant, sa force, sa puissance ont de tout temps fasciné. Son image n’a-elle pas transcendé les siècles et les millénaires pour servir de faire-valoir aux dieux, demi-dieux et héros ? Ces derniers ne pouvaient prétendre à la vénération et à la considération qu’après avoir vaincu le lion.
Et le sanglier ? Et les autruches ? Et les chacals ? La réponse est problématique. Leur représentation est-elle due seulement au fait qu’ils aient existé à ce temps ? Ce procédé particulier pour faire durer, représenter, figurer, illustrer, introduire, matérialiser sur les parois rocheuses des événements vécus, réels, autnentiques, dont l’artiste a été le témoin privilégié, fait appel à une culture du visuel et à une imagination nécessitant des capacités intellectuelles que ne peut avoir l’homme du paléolithique. Cette technique mène à notre modernité. Peut-on dès lors parler de l’homme préhistorique moderne ? L’interprétation objective de ces œuvres nées avant l’écriture n’est pas aisée.
- Pourquoi les hommes reproduisent-ils les images des animaux ? La plupart de ces derniers, les lions par exemple, n’ont-ils pas été déifiés et honorés ? Est-ce une manière de leur rendre hommage ? Est-ce pour obtenir leur assistance et leur protection ? Certaines images d’animaux ne sont-elles pas des offrandes à des divinités ? S’agit-il de pratiques funéraires témoignant d’un culte des morts ?
Le site préhistorique de Kef Messaoura offre aux chercheurs des éléments de première importance. Le décryptage des données gravées sur la roche, les tenants ayant trait au choix du lieu, les faits découlant de la nature du terrain permettront - un tant soit peu – de lever le mystère qui entoure cette période correspondant aux premiers temps de l’humanité.
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