samedi 21 septembre 2019
El-Badi Ababsia ou l’oeuvre de l’absent
Le 10 octobre 1958 mourait, à Alger, dans des circonstances sombres, un jeune homme de 22 ans. Il devait, le lendemain, rejoindre son foyer à Souk-Ahras et intégrer le mouvement de la résistance armée. Le sort en a voulu autrement, #Ababsia_ElBadi est pris en chasse par la police française sur la rue Joinville.
Blessé par balles près du café Tandja, il décède quelques heures plus tard, vraisemblablement sous la torture. La Dépêche Quotidienne du 11 octobre rapporte que «le terroriste portait une grenade qu´il s´apprêtait à lancer».
L´histoire aurait pu s´arrêter là, et Ababsia aurait renfloué la liste des martyrs partis en silence. Mais El-Badi, c’est aussi une autre histoire, une autre vie. Ce jeune homme était un enfant prodige de la musique, un compositeur prolifique et une valeur artistique sûre. Dans son bourg natal de Souk-Ahras, El-Badi montrait des prédispositions impressionnantes. «Il avait le don de la musique», témoignent, admiratifs, les gens qui l´ont connu.
A 16 ans, il signe ses premières compositions et part en France. «Je reviendrai avec un diplôme en main et ma patrie toujours dans mon coeur», dit-il. Ses parents, qui espéraient le voir en blouse de médecin, durent se plier à la ferveur artistique de leur fils.
Né le 14 Février 1936 à Souk-Ahras. S’intéresse très tôt à la musique et s’inscrit au conservatoire de Constantine. Son père, tailleur de son état, voulais que son fils entame des études de médecine mais El Badi se passionne pour la musique universelle. En 1952, par ses propres moyens, il s’installe chez Mme Duchesne, au 15ème arrondissement, en compagnie d’ailleurs de son ami le cinéaste Ali Djenaoui. Entre-temps, il s’inscrit dans un conservatoire tout en prenant, par correspondance, des cours pratiques de piano à l’Ecole Universelle. Il assiste aux concerts, rencontre les artistes algériens en exil et produit énormément de la valse au boléro ( je revois ton image; Fête du printemps; Sérénade à Alger) et de la rumba à la java (Demain il fera beau ; Nuits bônoises et Ciel de la Casbah ) en passant par la marche au paso-doble ( La marche de l’espérance; Flor de Andaloucia). Son ascension est fulgurante et, à dix huit ans, il est membre de deux sociétés françaises de droit d’auteur, La Sacem et la Sdrm.
Il s´installe à Paris en 1952, s´inscrit au conservatoire, poursuit ses études pratiques de piano, déjà entamées par correspondance lorsqu´il était à Souk-Ahras, et assiste aux productions des grandes formations symphoniques et aux conférences des plus grands musicologues.
Il fait partie de cette communauté artistique qui donnera, entre autres, ce qu´on appellera plus tard la chanson de l´exil. Mahieddine Bachtarzi verra en ce jeune homme une révélation. Il ne s’était pas trompé. A 18 ans, El-Badi est membre de deux sociétés de droits d´auteur en France. A 20 ans, la radio, le cinéma et le spectacle le sollicitent. El-Badi, avant de retourner en Algérie à l´appel de la fibre patriotique, inscrit 101 compositions musicales à son catalogue.
Les correspondances de la mère du martyr avec la Sacem (l´Onda française), lui ont permit de restituer la plus grande partie de l´oeuvre de son fils. M.Auguste Attard, représentant légal des Editions musicales «José Combel» chez qui El-Badi a déposé l´essentiel de son travail, a renoncé à tous ses droits d´éditeur au profit de madame Ababsia. Ce n´est, en fait, que grâce aux démarches de celle-ci, que l´oeuvre du compositeur a pu être restituée. Malheureusement, une partie des compositions demeure introuvable malgré les recherches de la Sacem.
Un hommage lui fut rendu, en 2001, dans sa ville natale, une reconnaissance – même si elle est quelque peu tardive – qui s´imposait et qui devrait intégrer ce personnage, longtemps oublié, parmi les figures clefs de la musique algérienne. Le Conseil national de la musique apprécie l´importance de ce patrimoine. Sous la baguette de M.Mohamed Guechoud, il devait être réalisé, à l´occasion de l’hommage, un enregistrement de quelques-unes de ses compositions.
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